Hadia OTERO
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Un roman "Obésité-Compulsion Alimentaire - Anorexie

J’ai été très touché et très ému par l'histoire de cette femme et par son chemin.
Je voudrais partager avec vous ces quelques extraits, et peut-être vous donner l’envie de lire ce livre.
 
Livre de : MURIEL RENAULT
Titre : LE STRIP-TEASE DE LA FEMME INVISIBLE
Éditeur : LE DILETTANTE



15 ans
...
Je me suis mise à pleurer. En silence d’abord. Puis à gros sanglots. Je ne me contrôlais plus. J’en avais marre. Marre d’être comme ça. Marre d’être moi. je ne demandais pas grand-chose, juste d’avoir ma part. Comme tout le monde. Mais apparemment, c’était déjà trop…
« Qu est-ce qui se passe ma chérie ? c’est juste, tu sais, je n’aime pas que tu manges en dehors des repas. »
Je ne pouvais pas lui parler. Je hoquetais dès que j’essayais de lui dire quoi que ce soit.
« Calme-toi, calme- moi. ça va aller. Qu est-ce qui ne va pas mon bébé ? tu peux me parler.
-          Je … j’en ai marre … personne, ne m’aime. » C’était tout ce que j’étais capable de dire.
Elle est restée silencieuse un court instant avant de me répondre.
« bien sûr il y a des gens qui t’aiment.
Ton père et moi on t’aime.
-          vous, ce n’est pas pareil.
-          Fanny aussi t’aime
-         
-          Aller, va au lit, je suis sûr que ça ira mieux demain. »
...


35 ans
...
Cet énième tentative du régime etait un échec. Un de plus je regardais les croûtes de fromage dans mon assiette. C’était tout ce qu’il restait du plateau qui était dans le frigo à peine une demi-heure plus tôt. J’avais lutté aussi longtemps que possible, mais l’idée d’une tartine, juste une, avais germé dans mon esprit en rentrant du travail. Je n’avais pas réussi à m’en débarrasser. Une tartine en avait entraîné une autre et je n’avais pas su m’arrêter…
J’avais franchi le cap de l’obésité sans m’en rendre vraiment compte. Il n’y avait pas eu un jour précis où j’étais devenu obèse ,un jour anniversaire que j’aurais pu fêter chaque année. Non, c’était arrivé de manière plus insidieuse. J’étais longtemps resté avec l’idée que j’étais ronde. Ronde, c’était acceptable. Ronde, c’était presque un style. Ronde, plaisait à Pascal, alors qu’il n’y avait pas lieu de s’inquiéter. J’avais traversé une période de paix avec mon corps. Je ne lui avais plus prêté attention. Je l’avais laissé vivre. Il en avait profité pour s’épanouir et s’étaler. À mon insu.
Mais une fois dans le métro le nez rivé à la fenêtre derrière laquelle défiler les murs du tunnel, j’avais entendu une fois murmurée qu’elle préférait ne pas s’asseoir là, que la dame était trop grosse qu’elle sentait sûrement mauvais. Comme tous les gros. Cette déclaration avait failli être entassée avec les centaines de phrases que j’entendais pendant chaque trajet, ces bribes de conversation qui me ne concernait pas, elles avaient immergé in extremis du côté de ma conscience, me sortant de ma rêverie et m’interpellant sans ménagement.
Cette fille parlait peut-être de moi.
J’avais décollé le nez de la vitre. Il y avais une place libre près de moi est une adolescente juste à côté, debout, qui discutait. C’était sa voix. J’étais la grosse dame dons elle parlait.
Cet épisode avait marqué un tournant. J’avais renoué avec la balance chaque matin ai repris mes inspections devant la classe. Mon corps, ce traître qui avait profité de mon inattention, s’était transformé en une masse informe. Moi qui croyais posséder les rondeurs et les charmes d’une mamma italienne, je me rendais compte que j’avais dépassé depuis longtemps ce stade des courbes rassurantes.
Ma vie s’était transformée en un perpétuel cauchemar de culpabilité. J’avais accumulé les tentatives du régime ratées, les alternances de privations et d’excès les engueulades avec Pascal qui ne me soutenait pas assez ou pas comme il fallait, et les crises de paranoïa face au regard des autres. Je m’en voulais quand je manquais de volonté et j’en manquais sans arrêt. Je continuais de grossir inexorablement.
L’arrêt de mes règles avait été pire que tout. J’avais gardé du mythe de la mamma italienne l’envie d’avoir une nombreuse marmaille autour de moi…
Plus rien n’avait de sens.
À quoi rimait ce ventre qui ne pouvait abriter d’enfants ?
À quoi rimait ce couple qui ne se transformerait jamais en famille ?
À quoi rimait cette sexualité ridicule ?
À quoi je rimais, moi ?
Voilà les idées qui tournaient dans ma tête pendant que je gardais les yeux rivés à mes croutes de fromage bien que les larmes m’empêchent de vraiment les voir.
...



La suite ...

Moi qui étais resté presque huit mois sans toucher une goutte d’alcool, régime oblige, je m’y étais remise depuis peu. Toujours obnubilé par mon poids, et mon nombre de calories quotidien, je m’obligeais à ne rien manger quand je buvais. Pour compenser. Résultat j’étais toujours très vite saoule et je m’étais fondée en un rien de temps une image de pilier de bar, de joyeuse luronne, de fêtarde sur qui on pouvait toujours compter en soirée.
Avec mon nouveau physique et les miracles de l’alcool, que j’avais eu le tort de ne jamais consommé de façon aussi déraisonnable, je me sentais pousser des ailes. Je devenais mondaine, excentrique et tapageuse. Je me remémorais avec émotion la femme invisible que j’avais longtemps été.
….
… J’ai pris plaisir à mettre en place mon nouveau rituel. Chaque jour après le travail, je passais à la salle de gym pour une heure de cours ou je transpirais à grosses gouttes. Ensuite, je rentrais chez moi et j’enchaînais avec une heure de vélo devant la télé. Au début mon ventre avait tendance à gargouillis. Il faut reconnaître à sa décharge, que c’était un peu long entre le petit déjeuner  et le repas du soir car j’avais supprimé celui du midi. Mais à force de volonté, il s’y est habitué. Je me préparais ensuite une salade avec juste un peu de vinaigre balsamique en assaisonnements, que je mangeais devant la télé, en prenant bien mon temps. Avec un yaourt et un ou deux fruits en plus, j’étais calée. Je me couchais tôt pour être en forme et me lever de bonne heure le matin, ceux qui me permettait d’aller à la piscine avant le travail.
Je voyais avec plaisir mes efforts payer . De cinquante trois kilos, j’ai été passée à cinquante en deux semaines. C’était un bon début mais je ne voulais pas m’arrêter là. Quand je me regardais dans la glace, je voyais encore du gras et de la cellulite. Je m’étais fixé de perdre quatre ou cinq kilos supplémentaires.
… J’ai commencé à transpirer et à avoir les tempes bourdonnantes. Mes jambes sont devenues molles, j’avais besoin de m’asseoir.  Il n’y avait pas un siège à l’horizon près de cette machine à café, je devais vite retourner à mon bureau. A ma chaise.
... quand j’ai repris connaissance on me conduisait à l’infirmerie. J’entendais les voix des  deux personnes qui me soutenaient à travers un épais brouillard. J’essayais de commander mes jambes mais elle restaient molles,incapable de me porter.
… je suis de nouveau tombé dans les pommes. Je me suis réveillé et j’ai aperçu le médecin qui s’agitait près du lit sur lequel j’étais allongée.
.. J’entends le médecin parlé à je ne sais qui il disait que j’étais trop maigre et le mot anorexie revenait en boucle.
… Mes larmes m’ont empêché d’aller plus loin. Je venais de me prendre la vérité en pleine gueule. Je ne m’étais jamais considérée comme anorexique. Je savais que j’étais un peu excessive dans ma manière d’être au régime, mais…
 
 « Je vais faire un effort Fanny , je te le promets.
- …
- Promis juré…
- Ok, mais si cette fois ça ne s’arrange pas …
- Ça va s’arranger.


 … Un soir, quand Fanny est arrivée chez moi, elle m’a trouvée évanouie dans le salon. Elle a appelé le SAMU qui m’a amenée à l’hôpital.
….